Une plateforme d’écoute pour les victimes d’inceste

Lancée mardi 21 septembre, à 10h, la plateforme téléphonique et le site internet Ciivise ont reçu des centaines de témoignages de victimes de violences sexuelles durant l’enfance.

La parole se libère pour les victimes d’inceste

Quelques heures après le lancement de la plateforme, les standards téléphoniques et le site internet de la Commission indépendante sur l’inceste, ont été assailli par les témoignages. Le coprésident de la commission et juge Édouard Durand, explique ce déferlement de la sorte : « En quelques heures, il y a déjà des centaines et centaines d’appels et courriers électroniques adressés à la commission et cela veut bien dire qu’il y a un besoin social de très grande ampleur« .

Les travaux la Commission Ciivise ont débuté en mars dernier. Sous l’impulsion de l’ouvrage de Camille Kouchner, La familia grande, qui accusait son beau-père de viols sur son frère jumeau durant leur enfance. Au-delà du choc que ce témoignage a provoqué à sa sortie, il a entrainé des milliers de témoignages publics sur les réseaux sociaux. Le hashtag #MeTooInceste a permis de prendre connaissance que des milliers de victimes d’inceste se logeaient en France.

Selon l’enquête nationale Virage menée en 2015 : 14,5 % des femmes et 4 % des hommes ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie. Plus de la moitié des femmes et deux tiers des hommes ont subi ces violences avant 18 ans.

L’objectif de la Commission indépendante est de libérer la parole des victimes ou des proches des victimes. Le juge pour enfants et coprésident de la Commission, Édouard Durand, rappelle que chaque année, 160.000 enfants subissent des violences sexuelles en France. Une situation qui n’est pas acceptable et qui doit cesser d’être terrée dans le silence et l’ignorance.

À ce sujet, le président Emmanuel Macron déclarait en janvier dernier : « On est là. On vous écoute. On vous croit. Et vous ne serez plus jamais seules. (…) La honte aujourd’hui change de camp« , se réjouissant que « la parole, partout en France, se libère » en promettant « d’adapter notre droit pour mieux protéger les enfants« .

Écouter, accompagner et réagir

Un article du journal Sud Ouest reporte les propos du juge Durand, sur les bienfaits cathartiques que la plateforme apporte aux victimes : «  Les personnes qui parlent le font pour elles-mêmes, et aussi pour que, aujourd’hui et demain, les enfants soient protégés et puissent grandir en sécurité. Elles nous ont dit : + vous n’imaginez pas le bien que cela me fait que ma parole soit reçue par une instance publique + et + Je ne veux pas que d’autres enfants subissent ce que j’ai subi + « .

À compter du 20 octobre 2021, les membres de la Commission Inceste iront tous les mois à la rencontre des victimes à travers le pays. L’objectif est d’apporter une écoute attentive, un accompagnement psychologique, pédopsychiatrie, médical, social et juridique. Ainsi, qu’une dimension préventive. Informer la population face à l’existence de ces actes et apprendre à écouter, comprendre, réagir et agir.

Nombreuses sont les victimes qui attendent des années avant de parler. Le silence est la méthode employée par l’agresseur pour assurer son impunité. L’ancien juge pour enfants explique que : « L’agresseur cherche à assurer son impunité. Pour cela, il met en œuvre une stratégie. Et dans la stratégie de l’agresseur, il y a toujours « imposer le silence.«  ». Cette peur de la parole peut être perceptible chez les enfants victimes. Les pédopsychiatres l’observent dès le plus jeune âge, quand l’enfant se représente par le biais du dessin, sans bouche.

En décelant ces signes subtils à temps, il est plus facile d’agir et d’accompagner les victimes, avant qu’elles ne normalisent et banalisent leur situation. Car la plus grosse crainte qui anime ces personnes est l’incrédibilité, comme le confirme Édouard Durand : « C’est difficile pour un enfant ou une personne adulte de parler, parce qu’il y a la peur de ne pas être cru (…) Et il est très important, donc, d’ouvrir des espaces, où l’enfant victime de violence sexuelle se dira : « Cet adulte, je peux lui faire confiance. Si je lui révèle les violences que je subis, il me croira. » 

Les standards téléphoniques sont ouverts du lundi au vendredi de 10h à 19h, en France métropolitaine et outre-mer. Les appels sont anonymes et gratuits, seuls un prénom (ou pseudo) et un numéro de département sont demandés.