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Par Union.fr

BDSM : « La soumise, le mâle Alpha et la pute » – ça passe toujours en 2021 ?

Par | 31 mars 2021

A l’occasion de la sortie du dernier livre de Chloé Saffy, A fleur de chair, aux éditions La Musardine, nous avons questionné les archétypes de ce livre qui oscille entre la new romance, le guide initiatique pédagogique et une immersion dans la communauté française BDSM. Les personnages de Delphine, Antoine et Iris incarnent et grossissent les rôles de genre à travers la figure de la soumise/pute, de l’homme dominant et de la femme trompée. Des personnages pourtant très réalistes et inspirés de notre quotidien. Le BDSM, qu’est-ce que ça dit de notre sexualité en France ?

Le mâle alpha, attirant et repoussant ?

Chloé Saffy déplore la vision manichéenne de la virilité actuelle :  » On est dans une époque où on a l’impression que la virilité et la masculinité est hyper problématique. Pour ma part, j’ai toujours eu du mal à voir mon intimité de façon politique. Le sexe, c’est un moment qui permet de lâcher prise sur beaucoup de choses.« 

Par ailleurs, si tous les codes associés au mâle alpha (chemise cintrée, attitude bourgeoise, corps sculpté, etc.) sont glorifiés dans la New Romance – dont l’incontournable du genre serait 50 Nuances de Grey – l’incarnation du dominant masculin reste pluriel dans la réalité de la communauté BDSM. Il n’est pas rare de voir des hommes plus âgés ou très jeunes, très cultivés comme plus modestes, de tous styles vestimentaires, se promener avec soumise tenue fermement en laisse.

« Mon père ressemblait à ce que l’on attendait du mâle alpha, et m’a toujours soutenue, admirée. Quelque part, peut-être que cela m’a influencée dans mon désir. Si cette attirance me concerne – et c’est pour cela que je l’écris – je pense que les soumises peuvent être très diverses dans leur recherche. Parfois, je déplore qu’il n’y ait pas plus de diversité dans la littérature érotique BDSM. Peut être que ça viendra… » explique Chloé Saffy qui décortique également ce rôle à travers les lignes de son livre : être un bon maître BDSM se définit avant tout par la bienveillance envers sa ou ses soumis.e.s.

Et pour la bienveillance, il n’est pas nécessaire de posséder une cravate ou un hélicoptère.

La soumise, une enfant en dépendance affective ?

Attention à ne pas tomber dans le piège de la soumise systématiquement en quête d’amour propre et de validation. Dans la réalité de la communauté BDSM, le soumis ou la soumise (car ces rôles sont assez bien partagés dans les deux genres) peuvent venir chercher toutes sortes de choses ; des sensations fortes, la fierté de transcender son propre corps ou une belle histoire d’amour.

« J’ai déjà vécu des sensations totalement folles, de subspace (NDLR : moment où l’on est au climax de la séance, comparable à une forme de transe), où il est essentiel d’être entouré de gens de confiance. C’est comme lorsque l’on est sous drogue ou sous alcool, l’état de conscience est complètement altéré. » explique Chloé Saffy qui a trouvé une forme de béatitude dans les jeux qui utilisent la violence.

Un état émotionnel très euphorisant que peut également ressentir le ou la dominante, submergé par toutes sortes d’hormones. Et ce comportement peut être, toute proportion gardée, similaire à celui des chemsexeur, dont nous vous avions parlé dans cet article.

Une exploration personnelle, qui peut nous faire voir le monde totalement différemment – et qui n’est pas nécessairement lié à la dépendance affective. Il y a plein de raisons qui poussent les soumis et soumises à rentrer dans ces jeux, et la fragilité émotionnelle n’en a pas le monopole.

La pute, c’est l’autre

Pour Delphine, la femme bourgeoise et « trompée » de l’histoire, l’explication des aventures de son mari s’énoncent simplement, par les mythes les plus anciens : « Pourtant, il y avait une logique implacable dans la démarche d’Antoine. Sa femme, c’était sa femme, et sa pute, c’était sa pute. » p.54 de A Fleur de Chair.

Si Chloé Saffy ne souscrit pas à l’archétype de « pute », elle peut pour autant l’expliquer : « Au final, la pute, c’est celle que l’on ne comprend pas. » Ici, la case « pute » révèle mieux les incompréhensions de la femme trompée, Delphine, qu’un réel manque de dignité de la part de la maîtresse, Iris.

Une regard brutal, d’une femme sur une femme, qui éveille également aux questions de sororité et à la disparité de sexualité chez les femmes.

Alors, peut-on encore lire du BDSM en 2021 si on est féministe sachant qu’il joue sur nos visions de rapport de pouvoir entre les hommes et les femmes ? Bien sûr, ce serait dommage de s’en priver ! Surtout lorsqu’il se dessine sous une plume vive et intelligente comme celle de Chloé Saffy. Une femme qui affirme sa sexualité sans s’en cacher ou en rougir, ce qui n’a pas toujours été le cas, quand on sait que la littérature érotique s’est longtemps exposée sous pseudo.

(Image à la une : A fleur de chair – Chloé Saffy)


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