L’homme déconstruit : un statut unanimement envié ?
La politicienne Sandrine Rousseau déclarait vivre au côté d’ « un homme déconstruit » et qu’elle en était ravie. L’écologiste a popularisé l’expression et subi de nombreuses critiques.
La déconstruction porte-t-elle atteinte à la virilité ? Que signifie être déconstruit ? On vous explique.
C’est quoi un homme déconstruit ?
Le terme « déconstruit » se trouve souvent dans les discours féministes. Il désigne un homme sensible au droit des femmes et à l’égalité sexe.
Mais il serait réducteur de limiter la définition de « l’homme déconstruit » à la lutte féministe.
Selon CausonsFeminisme, la déconstruction représente un mode de vie et de pensée. Comment se déconstruire ? Il « suffit » de remettre en question les stéréotypes établis qui ont été « construit » au fil des années.
L’homme déconstruit peut donc être sensible à toutes les causes et luttes existantes : racisme, grossophobie, transphobie, homophobie, etc.
L’homme déconstruit : un militantisme obligatoire ?
Nul besoin de manifester dans la rue pour être un homme déconstruit. Rien n’empêche de le faire mais la déconstruction peut rester dans une sphère privée.
L’homme déconstruit lutte contre les stéréotypes et les constructions sociales archaïques en agissant au quotidien.
Par exemple, effectuer les tâches ménagères, la cuisine, les courses, aller chercher les enfants à l’école pourraient être assimilés à des actions d’hommes déconstruits.
Selon une étude de l’Ifop, 54% des hommes se déclarent déconstruit alors que 61% des femmes jugent leur homme déconstruit. Ce décalage montre que certains hommes agissent sans le savoir comme « des hommes déconstruits ».
57% des hommes souhaitent devenir des hommes déconstruits, une statistique montrant à la fois qu’une majorité d’hommes sont sensibles aux luttes sociales mais également que pour 43% d’entre eux, les vieux schémas persistent encore et toujours.
Une atteinte à la masculinité et à la virilité ?
Contrairement à ce qu’affirment certains politiciens, la virilité et la déconstruction ne sont pas inconciliables.
Marlène Schiappa, ministre déléguée en charge de la Citoyenneté affirmait dans Le Point (Eloge de l’homme construit) être contre la déconstruction masculine. Elle y attribuait des combats et opinions qui n’ont pas lieu d’être aux défenseurs du concept. Elle déclarait sur FranceInfo :
« Je pense qu’il n’y a pas deux catégories d’hommes. Je pense que la vie n’est pas manichéenne et je pense qu’il n’y a pas d’un côté :
- Les gentils féministes écologistes déconstruits sympas avec leur femme
- Et de l’autre côté les méchants réactionnaires machos qui traitent mal leur femme
Je pense qu’il y a des supporters de l’OM qui sont des gros barbus et qui traitent très bien leurs enfants et il y a des intellectuels féministes de gauche qui frappent leur femme »
Comme le décrit Clément Viktorovitch dans sa chronique, il n’a jamais été question d’opposer deux prétendues catégories.
Marlène Schiappa trace ici elle-même un lien entre les supporters de l’OM et la maltraitance des enfants ou entre des « réactionnaires » et le machisme.
« L’homme déconstruit » représente un mode de vie et de pensée personnel. Des degrés différents de déconstruction existent et chaque homme peut avancer à son propre rythme vers l’inclusivité et l’acceptation de l’autre.
Le discours et l’édito de Marlène Schiappa prouvent un fait : la déconstruction masculine subit de la réappropriation politique.
La politique et l’homme déconstruit
Caricaturalement, nous pourrions affirmer que 75% des jeunes s’estiment déconstruits, que les votants de gauche affichent un taux de déconstruction masculine exorbitant (EELV 76%), ou que 69% des votants d’extrêmes gauches mettraient plus en avant le plaisir féminin durant un rapport sexuel, etc.
A l’inverse, 46% des votants d’extrême droite souhaiteraient être dominant au sein du foyer, 41% des votants du centre droit souhaiteraient contrôler la façon dont leur compagne s’habille et 48% de ces mêmes votants refuseraient d’accorder plus de place au plaisir féminin lors des rapports sexuels.
Ces statistiques proviennent d’une étude Ifop et mettent en avant l’estime que les individus ont sur la déconstruction masculine : se sentent-ils « déconstruits » ?
Or, si un individu n’a pas la bonne perception de ce que représente la déconstruction masculine, il devient évident qu’il ne se sentira pas déconstruit.
Les politiciens jouent donc volontairement avec cette perception quitte à mal définir, voir diaboliser les personnes prônant un mode de vie plus inclusif. Le but ? Radicaliser les votants dans leur conviction.
Le « Wokisme » avait également servi de marqueur politique. Ce terme définissait à l’origine l’ensemble des personnes « éveillées »/conscientes des problèmes sociétaux (racisme, sexisme, etc.) et a été réutilisé, redéfinit par des politiciens pour devenir un marqueur de révisionnisme historique et décrire exactement l’inverse du sens originel du mot :
« Je combats tous les mouvements qui veulent nous déconstruire. Le wokisme, c’est la guerre des races, la guerre des sexes, des orthographes, la guerre des mémoires. C’est le contraire de la République. » déclarait Valérie Pécresse lors de son discours du 13 février.
Selon la candidate LR, le wokisme et la déconstruction seraient contraire aux valeurs de la République : être en quête de liberté, d’égalité et de fraternité ne conviendrait alors pas aux idéaux d’un pays dont ces mots en sont la devise ?
La déconstruction un processus infini
La déconstruction masculine s’opère à différents niveaux. Il n’y a pas d’un côté les hommes déconstruits et de l’autre les hommes à la masculinité toxique mais une quantité de nuances et de niveaux de déconstruction variables.
La déconstruction masculine peut aller :
- d’accepter de pleurer en public (33% de refus chez les hommes) à s’ouvrir au plaisir prostatique (76% de refus chez les hommes).
- d’accepter que sa femme gagne plus d’argent que soi (11% de refus chez les hommes) à arrêter de travailler plusieurs années pour s’occuper des enfants (31% de refus)
Déconstruire sa propre masculinité représente un processus de pensée et un mode de vie plus ou moins long selon les individus et la quantité d’opinions ancrées à rebâtir.
Ce processus évolue avec le temps et la société. Il représente alors une quête infinie de remises en question et de réévaluations des stéréotypes.