
Chemsexe : décryptage du sexe sous drogues
À l’occasion de la sortie du roman « Chems » de Johann Zarca, dont le héros tombe dans la spirale infernale du sexe sous drogues, Sexe en France décrypte le phénomène du chemsexe. Pratique sexuelle intense, addictive… et destructrice.
Le chemsexe, c’est quoi ?
Entre sexualité débridée et toxicomanie, le chemsex est l’abréviation de « chemical sex » ou « sexe sous drogue ». Cette pratique consiste à consommer des drogues spécifiques dans le cadre de relations sexuelles. L’intérêt ? Ces produits rendent sexuellement beaucoup plus performants et endurants, ils décuplent considérablement le plaisir et la jouissance, enfin ils deshinibent ceux qui les consomment.
La pratique du Chemsex est très facile d’accès, notamment du fait d’internet : les utilisateurs prennent contact via des sites et applications de rencontres type Grinder, ou Tinder chez les hétéros. Il est très simple de se procurer les substances utilisées, elles affichent des prix relativement bas et un simple clic suffit pour recevoir le produit chez soi.
Une des particularité du chemsex ? L’intensité des rapports sexuels pouvant durer plusieurs heures voire plusieurs jours. Les soirées chemsex consistent souvent, pour ne pas dire tout le temps, à avoir des relations sexuelles avec plusieurs personnes. Les partouzes sont ainsi monnaie courante et les chemsexeurs sont amenés à réaliser des pratiques que l’on pourrait juger extrêmes ou marginales : fist, brutalité, BDSM, uro… Selon une majorité de chemsexeurs, point de sensualité ou d’affection dans cette pratique, mais du sexe cru et bestial.
« Le chems, c’est le sexe le plus retiré de l’affectif et de l’émotion. » – Johann Zarca, entretien pour Sexe en France.
Le dégoût et le regret, seraient des sentiments partagés par une majorité de pratiquants, ces derniers ayant dépassé leurs limites à cause des produits consommés.
« Cette molécule n’a rien de bénin. Elle n’est pas sensuelle comme la MDMA, mais sexuelle. Elle ne réveille pas les sens, mais les tripes, les bas instincts, l’animalité enfouie en chacun de nous. » – Johann Zarca, Chems, Éditions Grasset, 2021. p. 49
Le chemsex : des drogues spécifiques

Les rapports sexuels sous alcool, cannabis ou MDMA ne sont pas une nouveauté et n’appartiennent pas au chemsex. Le « chem » fait ainsi référence à des catégories particulière de produits.
Méconnues du grand public, nous retrouvons les cathinones, chefs de file d’une famille de stimulants. Elle possèdent des caractéristiques proches de celles des amphétamines, également utilisées dans le chemsex. Se présentant sous forme de poudre, elle se consomment le plus souvent par voie nasale. Parmi les plus répendues : la 3-MMC et la 4 MEC.
Crystal-meth et Cathinones sont utilisées pour leurs effets stimulants, entactogènes et empathogènes. Elles procurent un sentiment d’euphorie et de bien-être, une disparition de la sensation de fatigue, augmente la confiance en soi et procure une impression de puissance. Enfin, elles dopent le désir et le plaisir sexuel.
Le GBL, quant à lui, est un produit chimique utilisé comme solvant industriel. Absorbé , il est transformé en GHB substance naturellement produite par l’organisme en petite quantité. Il s’agit d’un dépresseur du système nerveux central, autrement dit, un puissant sédatif qui deshinibe, ralentit la respiration et le rythme cardiaque, intensifie les perceptions sensorielles. Substance extrêmement dangereuse, associée à l’alcool elle peut être fatale. Aussi appelée « drogue du viol », le GHB s’est rependu dans les boites de nuits pour ses effets euphorisants. Certains usagers lui attribuent des propriétés de stimulant sexuel.
Le dico du chems
- Bareback : Désigne le choix délibéré de rapports sexuels non protégés, en dépit d’un risque potentiel de contamination par le VIH ou autres IST. Mouvement initié dans les années 90 au sein des milieux homosexuels, les pratiquants sont appelés barebackers.
- Backroom : Arrière salle en français, il s’agit d’une pièce ou, dans certains bar libertins, les clients peuvent se rencontrer dans l’obscurité pour des relations sexuelles.
- Came : Drogue
- Chemsexeur : Pratiquant régulier du chemsex
- Fist : Ou fist-fucking, désigne un acte sexuel consistant à introduire le poing dans le vagin ou l’anus. Malgré son nom, le fist consiste plutôt à introduire lentement la main dont les doigts sont gardés tendus et groupés dans l’orifice, lubrifié au préalable, et distendu progressivement.
- Partouze : Terme générique utilisé pour désigner des relations sexuelles pratiquées en groupe.
- Plan chems : Partie de sexe, généralement à plusieurs, sous drogues. Les chemsexeurs ont des plan chems.
- PrEP : Prophylaxie Pré Exposition. La prEP est un traitement médical s’adressant aux personnes non contaminés par le VIH. Principe de prévention médicamenteuse, la prEP est prescrite par un médecin et nécessite un suivi. Elle est indiquée pour les personnes de plus de 18 ans à haut risque de contracter le VIH (homosexuels masculins, travailleurs-ses du sexe, usagers de drogue…), n’utilisant pas systématiquement le préservatif.
- Réduction des risques : Ensemble de dispositions visant à réduire les risques liées à la pratique du chemsex, tels que la transmission d’IST et les overdoses. Ces dispositions comprennent la prise de la PrEP ou d’un TPE (traitement post-exposition), le test de nouveaux produits à petite dose, l’utilisation de préservatif, l’usage de matériel à usage unique (seringues, paille..) etc
- Slam : Prise de drogue par injection en intra-veineuse. Le produit le plus utilisé dans le cadre du slam est la méphédrone (proche de cathinone). Les clameurs ne représentent pas une majorité de chemsexeurs. Cette pratique s’explique par des effets immédiats et des sensations encore plus intenses, le produit passant directement dans le sang. Cela signifie un plus grand risque d’overdose et de dépendance. Le slam est ainsi le mode de consommation le plus risqué.
Le chemsex : Une pratique Ă risque
Par ce qu’il allie sexualité sans limites et drogues de synthèse, le chemsex est une pratique comprenant de nombreux risques, à la fois sanitaires, sociaux et psychologiques.
Il convient de rappeler, les risques liés uniquement à la prise de ces produits : convulsions, augmentation de la tension artérielle, risque d’AVC, accélération du rythme cardiaque, dommages cérébraux, dégradation des dents et des gencives, hallucinations… Enfin, le risque d’overdose, celle ci pouvant être fatale.

La consommation de ces drogues dans un cadre sexuel amène ses usagers à dépasser leurs limites, le consentement peut ainsi difficilement être respecté, entraînant souvent une honte et un profond dégout de soi.
« Il n’y a pas vraiment de consentement, tu fais rien pour résister, mais t’en pas vraiment envie. J’ai eu une expérience ou j’étais dégoûté par la personne, elle ne me faisait pas envie. Ce n’est pas un viol par ce qu’on provoque la situation, on a pas la force de se débattre alors on se laisse faire ». – Reportage Chemsexe, le fléau sous drogue, Témoignage de Gérard, 25 ans.
L’usage des préservatifs étant rare si ce n’est inexistant, le chemsexe augmente considérablement le risque de transmission du VIH, et d’autres IST telles que les hépatites. Ce danger est d’autant plus accentué par les modes de consommation des produits, notamment si la personne n’utilise pas des pailles et seringues à usage unique.
La prise de ces drogues altère également le rapport à la sexualité. Progressivement, on ne la concevrait qu’à travers des pratiques extrêmes et sous ces produits qui la décuplent. Une sexualité « classique » n’existe plus. Si le chemsexe crée une double addiction, la drogue prend le dessus et le sexe devient une excuse. Certains pratiquant peuvent être amenés à érotiser la prise de drogue :
« Le truc m’a niqué le cerveau. Le sexe devient un prétexte c’est la défonce qui prime. Les chemsexeur finissent souvent isolés. Les mecs se font des slams tout seul chez eux, ils bandent rien qu’à la vue d’une seringue. À la fin le sexe ça devient juste l’injection ». – Johann Zarca, entretien pour Sexe en France.
Enfin, le chemsex amène à une dégradation des liens sociaux, de la santé mentale et psychologique. Crise de paranoïa, dépression, perte de repères et d’identité, les relations se dégradent, la culpabilité et la honte s’installent et les chemsexeurs se replient sur eux mêmes.
« Je ne suis plus un homme mais un animal. Un porc. Noyé dans ma libido. Merde. Je me sens seul, sans ma femme, sans mon fils, sans mes vieux, sans mes potes. Seul de chez seul » – Johann Zarca, Chems.